"Dans la confusion de notre époque quand une centaine de voix contradictoires prétend parler au nom de l'Orthodoxie, il est essentiel de savoir à qui l'on peut faire confiance. Il ne suffit pas de prétendre parler au nom de l'Orthodoxie patristique, il faut être dans la pure tradition des saints Pères ... "
Père Seraphim (Rose) de bienheureuse mémoire

lundi 7 novembre 2011

Un chemin vers saint Silouane (XIV)



L’ermitage du cœur

Tu sais que là est la Vie véritable, la Vérité et la Voie, et tu sais aussi qu’elles portent un même Nom que tu vas savourer en Le prononçant inlassablement dans ton cheminement. Il n'est pas de chemin plus long et plus rude que celui que l'on doit accomplir pour pérégriner jusques aux lieux du silence intérieur où l'on va face à face, comme le saint théopte Moïse, faire la rencontre du Nom.

Ce temps orant est carrefour, croix où les voies multiples se croisent pour montrer au pélerin qu'il est libre d'aller où bon lui semble. Devant lui, l'avenir n'appartient qu'à Dieu. Derrière lui, l'héritage du vieil homme le cloue au monde pour l'empêcher de procéder vers le Royaume.
A droite, la tentation de l'oubli et de la vie matérielle fait briller des étoiles artificielles dans un ciel illusoire; elles clignotent comme pour simuler les battements de cœur mais leur agitation est dérisoire et vouée à l'échec.
A gauche, la certitude des jouissances intellectuelles aussi factices qu'éphémères mime l'illusion de bonheurs accessibles mais passagers.
La seule Voie est au centre de la Croix. Elle est Lieu comme Présence qui transcende toutes les dimensions cosmiques pour s'enraciner dans le Ciel vrai du monde à venir.
Pour ce cheminement abrupt vers les cimes de l'Esprit, le viatique doît être dépouillement, détachement dans la quiétude prégnante du Nom.
Ce ne sont pas les raisonnements qui conduisent au Lieu. Le bagage est léger lorsque sont déposées à terre toutes les entraves mentales du vieil homme.
Renoncer à tout ce qui nous donne l'impression du confort intérieur et arracher les entraves mondaines, est la chose la plus simple et celle qui nous donne le plus de peine pour son accomplissement.
Tendus que nous sommes vers l'accessoire survie selon le siècle, nous allons sans discontinuer d'avant en arrière, sans avancer d'un pas vers le Royaume.
Au point de jonction de la Croix, les yeux levés vers le Dieu-homme, l'unique ascension commence, qui mène à l'ermitage du cœur.
Des bornes saintes jalonnent les étapes d'une lente progression intérieure qui va nous greffer au Bois pour nous donner racines au Cieux.
La paix de l'âme, océan étale après les tempêtes des pensées, s'acquiert à grand prix. C'est tout notre être qu'il faut donner pour acquérir cette perle et la sertir sur notre souffle qui invoque le Nom.
Dans le désert du bruit, de l'agitation et des passions, trouver la brêche qui mène au langage du monde transfiguré de l'oraison et accéder pleinement au souffle pur qui n'est que prière. "Le Royaume de Dieu ne vient pas de manière à frapper les esprits, car voici, le Royaume de Dieu est en vous!"
Tu as fermé la porte des sens pour ouvrir à grand ventail les Portes Royales du Temple en Esprit et en Vérité. Les pensées s'agitent et bourdonnent dans ta tête comme des phalènes près d'une lumière humaine. Si tu fixes les yeux de l'icône qui te suit où que tu ailles, déjà se taisent les plus absurdes de ces insectes intellectuels. Ceux qui volent encore, ne tournent plus qu'autour de la flamme de la lampade.
Ton souffle s'affaire à descendre dans ta poitrine vers les battements de ton cœur, comme le disciple bien-aimé se penchait sur la poitrine du Maître lors de la Sainte Cène.
" Seigneur Jésus-Christ, Fils de Dieu, aie pitié de moi pécheur!"
Tu essaies d'enfermer toutes tes forces dans ces paroles comme dans un cri pour qu'Il t'entende.
Il t'entend toujours, même lorsque tu ne le sens pas. Tu chemines souventes fois sous son regard bienveillant en te croyant abandonné.
Tu répètes la prière à voix haute. Il n'existe plus que ces paroles comme les degrés frêles d'une échelle sainte pour accéder aux cimes de l'Esprit.
Tu voudrais voir le sommet de la prière pour être encouragé et continuer à t'efforcer, à tendre désespérément vers ce but, mais tant que tu n'auras pas renoncé à cette tension, tu n'accèderas pas à l'ermitage du cœur.
Ce que tu crois sentir n'est que la jachère spirituelle qui t'entoure. Tu prends l'idée que tu en as, ce que tu imagines, pour sa réalité.
Ce ne sont ni tes pas, ni tes paroles qui doivent te conduire, mais ton abandon complet en eux et en elles dans ton souffle; tu dois tendre par ton abandon total à demeurer dans le Nom, jusques à ne faire qu'un avec Lui.
On ne chemine pas pour partir, mais pour rester sans cesse dans le Lieu qui est en nous. On ne quitte rien du paysage. On le dépasse soudain et tout y devient aimable et pur. La source claire est toujours là qui offre son onde limpide. Il faut seulement avoir une soif véritable, une soif de Samaritaine au puits de Jacob. Le Seigneur est là pour l’étancher. En Lui sont les ondes vives qui vont nous régénérer. Tendons simplement nos mains orantes avec notre chapelet comme une corde, pour puiser à cette Source qui rejaillit dans la Vie Eternelle.
Gardons en mémoire que lorsque nous aurons visité l’ermitage du cœur, nous pourrions très vite en perdre le chemin si par malheur nous tombions dans l’orgueil spirituel de nous croire déjà sauvés, et si nous avions l’audace, même en pensée, de juger nos frères. Nous devons souhaiter pour tous le même salut en Christ, et notre retraite en l’ermitage du cœur n’est pas un retranchement de l’amour des autres pour obtenir une quiétude personnelle égoïste, mais une halte dans l’agitation du monde pour porter dans notre amour tous les hommes vers le Seigneur compatissant et miséricordieux.


© Claude Lopez-Ginisty
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Une première version de ce texte 
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L'Ermitage du cœur (318)




Ne dis pas que Dieu est absent
Alors que tu ne vas plus vers Lui
Dans la rencontre de la prière

上帝的朋友 ( L'ami de Dieu)




Valaam 3

dimanche 6 novembre 2011

Un chemin vers saint Silouane (XIII)



Le staretz Modeste de Kostamonitou disait souvent : "A moins de ressentir toute l’humanité comme nos frères et sœurs, et de savoir qu’ils sont nos frères et sœurs, le Saint-Esprit n’habitera jamais en nos cœurs. Le Seigneur aime mêmement tous les êtres, le plus grand pécheur et l’homme le plus saint. Nous devrions de la même manière étreindre tout homme dans notre cœur. L’amour est tolérant, il est généreux, il supporte tout. Dieu est Amour "  
Patéricon Athonite

Le début de l’humilité est peut-être là, dans cette reconnaissance douloureuse que nous disons aimer Dieu sans vouloir, ni pouvoir quelquefois faire ce qu’Il nous recommande. Que l’habitude jamais ne s’installe dans notre vie en Dieu et que le Christ soit à nos côtés lorsque nous entreprendrons les combats spirituels qui ne manqueront pas de se faire jour. "Celui qui prie de tout son cœur connaît bien des épreuves dans la prière : il se trouve en lutte avec l’Ennemi, en lutte avec lui-même, avec ses passions, en lutte avec les hommes ; et en tout cela, il s’agit d’être vaillant" (Archimandrite Sophrony, op. cit., p. 276). Ce que l’on acquiert intérieurement par la prière se perd extérieurement par "les jugements, les vaines paroles et l’intempérance" (Archimandrite Sophrony, op. cit., p. 277).
La tentation peut nous venir de croire que tout cela est vain, inutile et illusoire, et peut nous amener à considérer que certains déséquilibres de comportement, inhérents à notre nature déchue peuvent être créés par le fait de prier. Le staretz remarque aussi que certains pensent que la prière peut être responsable du "prelest" (illusion spirituelle), mais il s’insurge contre cette erreur, disant que ce "prelest" vient de la confiance en soi présomptueuse, et non de la prière.
La prière est rencontre. Pourquoi nous semble-t-il parfois que Dieu n’est pas venu à l’entretien que nous désirions avoir avec Lui ? Nous avons — nous le croyons — tout fait selon l’usage ou notre habitude et aujourd’hui — et souvent — Il n’est pas là. Si nous examinons notre âme, si nous sommes honnêtes, nous pourrons peut-être remarquer que nous agissons avec Lui comme avec les gens du monde. Il se doit d’être là puisque nous avons décidé de Lui parler. Nous nous efforçons dans la prière et nous n’avons pas de "résultat". 
Mais Dieu est toujours là. Nous ne Le voyons pas parce que notre esprit mortel est ailleurs, ou bien parce qu’au tréfonds de notre âme, un péché pèse plus particulièrement sur notre conscience et nous empêche de Le rencontrer. Dire qu’il suffit de l’aveu de notre faiblesse, de notre impuissance, même de notre manque d’amour, pour qu’Il nous console soudain ! 
Malheur à nous si nous nous éloignons de Dieu Qui jamais ne S’est éloigné de nous dans la prière ! Par l’humilité, même aux pires moments de notre vie, de notre péché, nous gardons avec Dieu le contact de Son Saint-Esprit donateur de vie. "L’âme en perdant l’humilité, perd en même temps la grâce et l’amour envers Dieu, et alors la prière ardente s’éteint ; mais lorsque les passions s’apaisent dans l’âme, et que celle-ci acquiert l’humilité, le Seigneur lui donne Sa grâce" (op. cit., p. 278). Cette grâce nous vient par le Saint-Esprit…
Et le Saint-Esprit de Vérité, "partout présent et emplissant tout" selon la prière que nous Lui adressons dans l’Eglise, nous aidera dans notre lutte contre l’esprit paralysant du monde. C’est pourquoi nous devons Lui demander de véritablement venir faire Sa demeure en nous. Il nous apprendra tout ! "C’est une prière, un vœu, une profession de foi qui nous confèrent l’Esprit Saint et les dons divins, qui purifient le cœur, et qui chassent les démons. C’est la présence de Jésus en nous, source de réflexions spirituelles et de pensées divines. C’est la rémission des péchés, la guérison de l’âme et du corps, le rayonnement de l’illumination divine, c’est une fontaine de divine miséricorde qui répand sur les humbles la révélation et l’initiation aux mystères de Dieu. C’est notre seul salut, car elle contient en elle le Nom sauveur de notre Dieu, le seul Nom auquel nous puissions faire appel, le Nom de Jésus-Christ, le Fils de Dieu ; car il n’est pas d’autre nom sous le ciel qui ait été donné, par lequel nous puissions être sauvés  (Actes 4, 12)". (Syméon de Thessalonique – 118).
Pendant les offices, avec les autres fidèles en partance pour le même pèlerinage, la lutte paraît simple. Seuls, nous sommes plus démunis, mais nous ne devons pas abandonner la prière. C’est pourquoi le saint staretz nous recommande de rentrer en l’église intérieure pour y prier. "Tu ne peux pas emporter l’église avec toi et tu n’as pas toujours de livres, tandis que la prière intérieure est toujours et partout avec toi" ( Archimandrite Sophrony, op. cit., p. 276).
C’est dans ce lieu que, suivant l’injonction du Christ, nous adorerons en Esprit et en Vérité (Jean, 4, 24). Il nous faut donc construire spirituellement notre ermitage du cœur et nous y réfugier le plus souvent possible pour rencontrer Celui Qui nous a donné la Vie. Quand nous l’aurons trouvé, ne serait-ce qu’une fois dans notre vie de prière, le simple fait de savoir qu’il existe suffira à nous donner l’envie d’en reprendre le chemin, et notre espoir aura un Lieu, un Sinaï intérieur où rencontrer l’Ineffable dans Son humilité extrême, et dans Son ineffable grandeur.

© Claude Lopez-Ginisty
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L'Ermitage du cœur (317)


Ta vie deviendra véritable
Dans la belle espérance
Du Royaume des Cieux
Qui verra son accomplissement

上帝的朋友 ( L'ami de Dieu)

Valaam 2

samedi 5 novembre 2011

Un chemin vers saint Silouane (XII)







L’humilité précède la gloire.
Proverbes ( 18, 12)

La clef unique de l’ouverture de la mémoire divine est l’humilité. Les vaines pensées de gloire, de contentement de soi, l’illusion spirituelle de la correction ou de l'exactitude, l’égarement de se croire juste, seront autant d’obstacles infranchissables à la venue du Saint-Esprit. 
La prière est un besoin essentiel, mais aussi un moyen pour atteindre l’humilité : devant Dieu, l’homme reconnaît sa faiblesse et par cet aveu d’impuissance, reçoit en retour l’Amour du Créateur. Mais c’est l’amour qui est la source de l’Amour, et c’est en lui que tout se meut dans notre foi chrétienne. "L’âme qui aime le Seigneur ne peut pas ne pas prier, car elle est attirée par Lui par la grâce qu’elle a connue dans la prière" (A. Sophrony, op. cit., p. 276 ).
Cette grâce, l’Esprit Saint la donne à ceux qui prient aussi pour les ennemis et qui les aiment. Le staretz Silouane affirme péremptoirement que celui qui n’aime pas ses ennemis "ne connaîtra pas le Seigneur".
Nous sommes faibles, et notre esprit de jugement nous fait quelquefois considérer nos propres frères comme nos ennemis, que dire alors de ceux qui nous font du mal ? Nous aimerions que le message christique ait été tout autre pour eux ! Qu’ils soient avec notre approbation satisfaite réprimandés selon nos critères de justice humaine. Nous oublions que sur la Croix le Bon Larron a été pardonné par le Seigneur. Nous oublions son injonction d’aimer ceux qui nous haïssent. Alors que faire ? Demandons à Dieu de venir Lui-même prier en nous pour eux. Supplions-Le de ne pas nous abandonner et de venir en nous étendre Sa miséricorde à ceux que nous considérons comme ennemis. Qu’Il fasse que Sa prière en nous, par la grâce de Son Fils Unique perce progressivement la dure pierre de notre cœur pour que l’amour s’y installe véritablement. Qu’Il vienne en aide à notre peu de foi et à notre médiocrité. Reconnaissons notre malignité et demandons-Lui de nous en guérir à jamais. Ayons l’humilité de reconnaître notre impuissance à accomplir ce commandement essentiel sans Sa grâce et Son amour ineffables. Comment peut-on aimer sans prier ? (cf Archimandrite Sophrony, op. cit., p. 276) Comment peut-on prier sans l’Amour absolu qui étaie notre prière et Qui en est le but ultime ?

© Claude Lopez-Ginisty
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L'Ermitage du cœur (316)


Ne crois pas
Que ton indolence spirituelle
Puisse être l'abandon
A la Providence du Christ

上帝的朋友 ( L'ami de Dieu)

Valaam 1

vendredi 4 novembre 2011

Un chemin vers saint Silouane (XI)



"Voici donc comment vous devez prier: Notre Père…
Evangiles selon saint Matthieu et saint Luc

La prière du Notre Père, seule et unique prière que nous ait enseignée le Christ, le staretz béni l’accomplit dans sa vie et la manifesta parfaitement dans ses enseignements.

Notre Père qui es aux Cieux…
Reconnaître qu’Il est notre Père, c’est admettre ce lien unique que nous avons avec Lui, et comme le prodigue de la parabole du Christ, retourner — ne serait-ce qu’au moment de la prière — vers notre demeure véritable, celle qui sera nôtre pour l’éternité (Dieu voulant) : les Cieux. La lamentation d’Adam de saint Silouane est ce cri vers le Père… Un ascète qui reconnut la sainteté du staretz après sa mort, était du vivant de celui-ci troublé par la hardiesse qui le faisait parler de dieu comme de son propre Père.

Que Ton Nom soit sanctifié…
Est-il possible de sanctifier plus complètement le Nom qu’en L’ayant toujours sur les lèvres, dans l’intellect et dans le cœur ? Par la prière de Jésus, le staretz nous apprend à toujours respirer en Dieu et à garder Sa mémoire sans cesse comme une respiration essentielle à notre vie.

Que Ton règne vienne…
"Vous goûterez, dès cette terre, la béatitude du Paradis" a dit le staretz Silouane.

Que Ta volonté soit faite…
Sa volonté, nous le savons par le staretz et par sa vie exemplaire à la Sainte Montagne, c’est de ne jamais désespérer, de se garder par la prière dans l’acceptation de Sa volonté sainte.

Comme au Ciel sur la terre…
Le texte grec ou slavon parle d’abord du Ciel, et cela rétablit la priorité exacte de notre attente, la demande que s’accomplisse aujourd’hui dans ce monde ce qui existe de toute éternité dans le Royaume de Dieu. Nous savons que le staretz, par son enseignement et sa vie, a manifesté d’une manière tangible cette présence du Ciel sur la terre des vivants.

Donne-nous aujourd’hui notre pain substantiel…
Ce pain supra-essentiel ou substantiel, est Celui du Corps reçu avec le précieux Sang Divin lors de la Communion aux très purs Mystères du Christ. C’est la grâce que le staretz recherchait dans l’union avec Dieu, dans les purs Mystères du Corps et du Sang du Christ, union tangible et accessible dans l’Eglise, mais c’est aussi la prière pure à Son Saint Nom, et l’accomplissement de Ses commandements.

Remets-nous nos dettes comme nous les remettons à nos débiteurs…
Remets-nous nos dettes envers Toi, ou bien pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés. L’amour du prochain, l’amour de tous les hommes et surtout lorsqu’il s’agit de l’amour des ennemis, entreprend une bienheureuse collaboration avec la grâce. Si je prie cette parole, et que véritablement j’aime mes ennemis, alors c’est Dieu Lui-même qui prie en moi, et je suis devenu théophore en vérité. N’est-ce pas l’enseignement primordial rappelé par le staretz à notre temps ?

Et ne nous soumets pas à l’épreuve…
Combien douloureuse fut cette perte, ou plutôt cette sensation de perte de la grâce chez le staretz, cette douleur de l’absence du Bien-Aimé. Cette épreuve, la plus grande, peut devenir tentation par découragement, tentation d’abandonner la lutte spirituelle. Cependant, la parole du Sauveur à saint Silouane est là pour rassurer : "Tiens ton esprit en enfer et ne désespère pas !". Dieu est aussi avec nous dans l’épreuve et, dans la tentation, Il ne nous abandonne pas, c’est nous qui nous éloignons de Lui. Il attend sans cesse. Il est à nos côtés, même si nous ne Le voyons pas.

Mais délivre-nous du Malin…
Il est fréquent, de nos jours, de faire de ce Malin, le simple mal, principe abstrait dans lequel on peut ranger tout ce que notre imagination fertile veut bien concevoir, ou ce que notre souci de ne pas paraître rétrograde aux yeux des théologiens modernes consent à imaginer. Cependant, l’expérience même du staretz nous montre la réalité objective du Prince de ce monde, et le besoin que nous avons que notre Père céleste nous en délivre véritablement.
Il n’est pas anodin que cette prière soit la seule que nous ait enseigné le Seigneur.

© Claude Lopez-Ginisty
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L'Ermitage du cœur (315)


Lorsque ton ego disparaîtra
Comme une brume au soleil
Tu seras à la porte
Du Royaume des Cieux

上帝的朋友 ( L'ami de Dieu)

Père Païssios de bienheureuse mémoire

Staretz Silouane ( video en russe)

jeudi 3 novembre 2011

Un chemin vers saint Silouane (X)


Celui qui habite sans cesse son propre cœur est étranger à tous les plaisirs de cette vie. Il marche dans l’Esprit, et dès lors, ne sait rien des convoitises de la chair. Toutes les ruses du démon ne peuvent rien contre lui, car il est protégé par les vertus qui se tiennent comme des sentinelles à la porte de la cité de pureté.
Saint Diadoque de Photicé

C’est parfois l’impuissance devant l’immensité de l’ascèse à accomplir pour changer, qui nous effraie comme si nous ignorions qu’après le premier pas, le second est plus facile. C’est aussi le regard en arrière sur la vie facile du monde qui nous retient, la peur de l’effort à faire, et la nostalgie de l’inconscience agréable où nous vivions avant l’exigence de la foi, qui nous paralysent.
Les apôtres vaquent à leurs tâches quotidiennes et humbles. Le Seigneur passe. Il les appelle. Ils Le suivent parce qu’irrésistiblement, ils savent que le chemin terrestre sur lequel ils vont suivre les pas de l’Homme-Dieu, ce chemin poussiéreux de Terre Sainte va les conduire au Ciel.
Lorsque saint Silouane, simple paysan, qui a vécu la même indifférence que nous, entend l’appel de Dieu, il ne regarde pas en arrière, il Le suit, mais ce qui le rend proche de nous, c’est son humble crainte : celle de changer d’avis. Lorsqu’il part à la Sainte Montagne, il a mis suffisamment de distance entre le monde et lui pour ne plus suivre que le Maître. Le Christ vécut parmi les apôtres, et lorsqu’ils l’eurent pleinement reconnu comme tel et que leurs yeux dessillés eurent saisi que Dieu était parmi eux, ils comprirent avec stupeur et émerveillement que cet Homme témoignait de cette possibilité qu’auraient les hommes comme eux ( et comme nous aujourd’hui) d’être, dès ici-bas, en transit vers l’Ineffable. Quand Il leur dit que le Royaume est au-dedans d’eux, Il leur montre la borne qui marque en eux — comme en nous — la frontière avec le monde à venir. Car c’est le cœur qui relie subtilement l’âme à l’autre rive. Il est par la prière l’ouverture subtile sur l’Eden retrouvé.
A l’imitation de Saint Silouane, nous nous engagerons donc fermement dans une prière fervente. Nous savons que ce contact avec le Divin, s’il était vraiment permanent, nourri par l’Ecriture Sainte et la connaissance des Pères qui ont parcouru en vainqueur ce chemin, ferait descendre parmi nous le Royaume.
Saint Paul a recommandé à tous les chrétiens sans exception de "[prier] sans cesse" (1 Thes 5, 17). Selon saint Basile et saint Jean Chrysostome, cette prière constante est mieux accomplie lorsque l’on s’adonne à la prière du cœur qui peut être faite en tous temps, partout, et pendant l’accomplissement de toutes sortes d’activités. Saint Paul a demandé à Thimotée de se souvenir de Jésus-Christ : " Souviens-toi de Jésus-Christ ressuscité des morts." ( 2 Thimothée 2,2). Saint Grégoire le Théologien a dit : "Il est plus important de se souvenir de Dieu que de respirer." Un autre Père a ajouté que Dieu demande que nous nous souvenions toujours de Lui parce qu’Il nous donne tout : notre existence et notre souffle.
Que Jésus soit la préoccupation de votre langue ; que Jésus soit la forme et l’idée honorable de votre intellect ; que Jésus soit votre respiration et que vous ne vous lassiez jamais d’appeler Jésus. D’une telle perpétuelle et douce mémoire de Jésus, ces grandes vertus théologales que sont la Foi, l’Espérance et l’Amour, croîtront et parviendront à maturité pour devenir de grands arbres dans votre cœur. Sachez que quand un amant est éloigné de sa bien aimée, il n’est nulle autre consolation pour lui que de se souvenir constamment de son nom. […] Ainsi, l’âme qui aime Jésus, mais qui ne peut ni le voir, ni jouir de Sa présence, ne peut être consolée autrement que par le souvenir constant de Son saint Nom, l’appelant toujours avec amour, larmes et douleur du cœur. […] C’est ce que Saint Isaac nous dit : "Quand l’âme s’émeut au souvenir de Dieu, le cœur s’émeut directement par l’amour et les yeux se remplissent de larmes. Il est habituel à l’âme de verser des larmes quand elle se souvient de la personne bien aimée.
En nous souvenant de Jésus et en disant la prière de Jésus, nous cultivons en notre cœur l’amour pour Jésus et pour Ses commandements. Qu’y a-t- il de plus béni, de plus heureux, de plus doux, que de contempler toujours le très glorieux, très plaisant et très aimé Nom de Jésus-Christ, par Lequel tout homme qui demande quoi que ce soit au Père, le reçoit sans faillir ? "Tout ce que vous demanderez au Père en mon Nom, Il vous le donnera." (Jean 15, 16) Et encore : "Quoi que vous demandiez en mon Nom, je le ferai, afin que le Père soit glorifié dans le Fils." ( Jean 14. 13)
Quelle autre pensée ou mémoire est plus divine et pleine de grâce que la pensée et la mémoire du Nom salutaire, divin et redoutable de Jésus-Christ, Fils de Dieu ? Saint Paul l’a dit : "C’est pourquoi Dieu L’a élevé et Lui a donné un Nom qui est au-dessus de tous les autres noms ; afin qu’au Nom de Jésus tout genou fléchisse dans le ciel, sur terre et aux enfers; et que toute langue confesse que le Seigneur Jésus-Christ est Seigneur dans la gloire de Dieu le Père." ( I Philippiens 2, 9-11).
Je vous ai dit ces choses à cause de grand amour que j’ai pour votre salut. Toutes ces choses, comme un perroquet, je les ai apprises des livres sacrés des Pères inspirés de Dieu, et je les ai entendues de la voix vivante de certains Pères spirituels qui avaient en partie l’expérience de ces choses là." ( Saint Nicodème l’Aghiorite in Nicodemus of the Holy Mountain, a Handbook of Spiritual Counsel, Paulist Press, New York, USA, pp. 168-170)

La prière est mémoire constante de Dieu, contact vivifiant avec l’Amour ineffable et immarcescible du Christ, rencontre avec le Saint-Esprit Donateur de Vie, garde du péché et humilité. Il faut s’arracher au monde qui nous entoure pour entrer dans la prière. "Dieu donne la prière à celui qui prie", disent nos Pères dans la foi. Si notre prière n’est pas violent arrachement au monde pour s’emparer avec violence du Royaume, si elle est accomplie par simple habitude, sans humilité, elle ne montera pas vers les Cieux. La prière doit devenir comme un besoin irrésistible afin que notre âme connaisse véritablement le Seigneur. La douceur de la prière ne viendra pas de paroles mécaniques répétées sans réelle conviction, mais elle naîtra de l’irrésistible besoin impérieux de rentrer dans la Présence, d’avoir cette audace incommensurable de vouloir Le rencontrer face à Face parce qu’Il est notre Père véritable.

© Claude Lopez-Ginisty
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L'Ermitage du cœur (314)


Ne fléchis pas dans tes efforts
L'ascèse est un sacrifice nécessaire
Mais c'est la Grâce de Dieu
Qui est agissante

上帝的朋友 ( L'ami de Dieu)


Athos

mercredi 2 novembre 2011

Un chemin vers saint Silouane (IX)



Il est impossible de vivre en paix avec Dieu sans un repentir continuel.
Saint Théophane le Reclus

Il est fréquent dans une certaine frange de l’Orthodoxie, de critiquer les moines de la Sainte Montagne et de déclarer leur ascèse actuelle incompatible avec l’époque "moderne" dans laquelle nous vivons. Beaucoup aimeraient que l’Athos se mette au goût du jour, et devienne plus accessible aux temps actuels, c’est-à-dire à leur vacuité relativiste. Serait-il encore la Sainte Montagne si par une aberration quelconque il cessait d’être une île de prière et de louange perpétuelle dans le no-God’s land du monde actuel ? La réduction à l’échelle de la modernité est toujours nivellement par le bas. 
Notre époque aimerait bien avoir les fruits de l’ascèse sans ascèse aucune. Mais le Christ nous a demandé de prendre notre croix et de Le suivre. L’avons-nous oublié ? S’il ne faut pas rechercher l’épreuve du creuset de Dieu pour elle-même, et se bâtir une ascèse qui soit purement rituelle, détachée de son but, il ne faut pas non plus nier que si nous voulons suivre les traces du saint moine athonite, à la suite du Christ, nous devrions au moins expérimenter dans notre vie, les enseignements qu’il nous a transmis. Par une saine et sainte imitation, à notre mesure (car si notre vocation est de devenir saints comme notre Père Céleste, nous ne pouvons prétendre à cause de la nature perverse de notre génération, atteindre infailliblement la stature universelle du saint staretz) nous cheminerons dans la certitude, notre voie ascétique étant étayée par la prière et l’exemple de saint Silouane et la grâce de Dieu palliera notre peu de foi. Sa miséricorde pardonnera nos chutes successives.
Trop souvent, la spiritualité paraît à beaucoup de gens affaire de doctes spécialistes et d’érudits qui sont la plupart du temps de splendides théoriciens ‘non-pratiquants’. Le Christ n’est pas venu pour créer une caste d’intellectuels, mais pour nous donner la Vie en abondance. 
Certains pieux fidèles orthodoxe s’imaginent aussi que l’ascèse est réservée aux seuls moines et qu’elle leur est accessible à eux, laïcs, seulement quand ils séjournent — et qui le fait régulièrement ? — dans les monastères. Cela est totalement faux. Lieu propice à la Vie où la recherche du Royaume est privilégiée, le monastère, nous permettra un temps de "déposer tous les soucis du monde" ( Hymne des Chérubim, Divine Liturgie de saint Jean Chrysostome) et d’aller à l’essentiel dans une atmosphère de prière et d’ascèse que nous ferons nôtres alors avec moines et moniales.
Au monastère, nous apprendrons, à notre mesure, ce que le saint staretz a appris. Les moines ont beaucoup à nous transmettre de la Tradition chrétienne et de la simple nature humaine transfigurée. Le monachisme est en lui-même formateur, pour ceux qui le vivent et pour ceux qui l’admirent avec respect. Il suffit de lire les Pères pour se rendre compte de ce qu’ils avaient une connaissance très grande de la psychologie des hommes. Leur analyse de l’âme humaine est toujours actuelle, et les remèdes qu’ils donnent à nos maladies spirituelles sont toujours valides, et le seront aux siècles des siècles. 
Les moines et les moniales sont en marche vers l’Essentiel. Nous leur ressemblons, à la différence près qu’ils ont élagué en eux, par l’ascèse continue, la plupart des vieilles branches mortes qui nous empêchent de donner des fruits en abondance.
Ainsi, nous avons un grand combat à mener, contre l’agression perpétuelle de nos yeux et de nos oreilles par les violences des images, des sons et des perversions subtiles d’un monde idolâtrant le bruit, le sexe, et l’argent. Ce que notre société marchande essaie de promouvoir pour nous asservir, nous pouvons dans les monastères nous en affranchir.
Découvrir dans un monastère, avec d’autres pèlerins en partance pour le Royaume, le divin remède de la Prière de Jésus contre l’assaut répété des pensées grâce au staretz Silouane est une bénédiction. Mais peut-être les remèdes de l’Eglise sont-ils trop simples ? Qui veut de nos jours des remèdes gratuits du jeûne, de la confession et de la prière ? Nous préférons souvent un chemin plus livresque et moins efficace. L’effort à faire pour être délivrés, n’est pas de nature intellectuelle, c’est la raison pour laquelle il paraît sans doute moins acceptable. Souvent nous cherchons aussi ce qui est ardu à comprendre et à accomplir afin de nous donner des excuses pour abandonner la lutte et être satisfaits de notre médiocrité devant les difficultés. 
Nous avons oublié la simplicité du Christ. Nous la retrouverons dans la vie essentielle du monastère et quand nous l’aurons quitté, nous aurons l’élan nécessaire à la poursuite du combat ascétique et la nostalgie de cette icône du Royaume que représente la communauté monastique en cheminement vers l'Essentiel. Ce séjour au monastère stimulera notre vie spirituelle en paroisse, et notre prière personnelle et nous redonnera le goût de la simplicité.
Le Christ venu parmi les pécheurs de Galilée, leur parlant non un langage philosophique mais le dialecte araméen, c’est-à-dire la langue du peuple, n’a pas réservé le cœur de son enseignement aux seuls philosophes et théologiens de haut vol. Il demandait déjà à Ses disciples de redevenir de petits enfants. Exigeait-Il par ailleurs de se contenter du seul rituel de la Synagogue pour en être quitte avec Dieu, ou bien Son enseignement voulait-il que toute la vie soit façonnée par la foi ?
C’est encore une fois par la simplicité de Son langage non intellectuel que saint Silouane vient rappeler avec une douceur incommensurable l’essentiel du message christique. Il n’était pas un grand théologien comme nous les connaissons et apprécions généralement. Nous les lisons, ils créent en nous un enthousiasme intellectuel et une exaltation sentimentale que nous méprenons pour une expérience mystique, et nous continuons à vivre sans que cela change notre vie. 
Nous "visitons" en touristes la spiritualité, mais elle reste confinée dans les livres que nous alignons dans nos bibliothèques. Nous nous confortons souvent hypocritement dans l’illusion que ce qui nous est demandé est l’accumulation de savoirs, de théories, et nous nous croyons quittes de la pratique.
Mais le Jugement Dernier ne sera pas un examen comme le monde les conçoit. Dieu ne nous demande pas l’érudition, mais la mise en action de nos convictions en Lui. Nous fréquentons l’Eglise et nous dévorons avidement des livres de spiritualité, mais, entre les deux, un territoire neutre s’étend où nous agissons fréquemment comme des païens, sans que nos comportements soient marqués du sceau de la Vérité, et sans que notre vie ne rayonne de la splendeur du Soleil de Justice. 
Dans le meilleur des cas, la lecture des vies des Saints nous fournit une ascèse de substitution et nous donne l’illusion grotesque d’expériences spirituelles par procuration.
Le sel s’affadit. Il ne sale plus. Il est bien rangé, bien visible, mais il est inutile.

© Claude Lopez-Ginisty
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Une première version de ce texte 
a été publiée
aux 
Editions du Désert 
en 2003 
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L'Ermitage du cœur (313)


Reste avec Dieu
Lorsque dans l'épreuve
Tu as la tentation du désespoir
Et garde ton cœur dans Son Nom

上帝的朋友 ( L'ami de Dieu)

La Planète de l'Orthodoxie: La Bulgarie

mardi 1 novembre 2011

Un chemin vers saint Silouane (VIII)




Il n’est rien dans l’Eglise qui soit sans importance, car dans chaque pratique s’est incarné l’Esprit de Dieu, qui est la vie et le souffle de l’Eglise.
Archevêque Innocent de Pékin

Le Saint staretz Silouane partit au Mont Athos pour s’adonner plus pleinement à l’ascèse qui devait le sanctifier. Il est douteux que l’on puisse prétendre acquérir à vil prix la perle du Royaume. Notre chemin spirituel, passera obligatoirement par une certaine ascèse, ce sera une borne sur notre route. Or notre époque considère avec un grand mépris toute forme d’ascèse. 
Ainsi dans le domaine du jeûne, nos contemporains acceptent volontiers l’ascèse laïque du régime ou celle des religions lointaines, par pur goût de l’exotisme. Elle refuse souvent l’ascèse chrétienne qui est tension vers le Royaume et dans ses effets rapportés, anticipation des biens à venir. Or l’Epoux nous a bien dit que nous jeûnerions lorsqu’Il ne serait plus parmi nous; Il n’a jamais prétendu que le Royaume des Cieux était d’accès facile (ne nous l’a-t-il pas ouvert au prix de Sa mort sur la Croix, nous engageant à prendre nous aussi notre croix?), mais Il nous a certainement laissé une clef pour ouvrir à deux battants la porte du Paradis : l’amour et surtout l’amour de tous et celui des ennemis en particulier. Qui peut être plus aimant et plus proche de Dieu que celui qui aime aussi ceux qui lui sont opposés le plus durement ? Là est l’ascèse suprême ! Mais elle n’exclut pas ce qui doit préparer à ce sommet ascétique. Il n’y a jamais de chemins de traverse dans la vie spirituelle.

© Claude Lopez-Ginisty
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Une première version de ce texte 
a été publiée
aux 
Editions du Désert 
en 2003 
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L'Ermitage du cœur (312)


La Parousie
C'est à chaque instant
Lorsque ton cœur
Bat au rythme du Nom

上帝的朋友 ( L'ami de Dieu)

La planète de l'Orthodoxie: La Serbie